Orange mécanique

Frédéric Lamouroux, aidé de lycéens aquitains, a construit un avion Piper

Orange mécanique

Frédéric Lamouroux à bord de « Miss Clémentine », accompagné de Jonathan qui a vu une partie de la construction de l’avion dans son lycée Jean-Taris de Peyrehorade. © Photo guillaume bonnaud

 

C'est comme un jeu de mécano, mais en plus grand, avec plus de pièces, plus de difficulté, et, au départ, un chèque avec bien plus de zéros. Ce vendredi, sur la pelouse de l'aérodrome d'Andernos-les-Bains, l'après-midi vire lentement mais sûrement à la pluie. Dans le ciel colorié avec des feutres blancs et gris, un avion orange tourne et redescend vers la piste. Il s'appelle « Miss Clémentine » et c'est un engin de type Piper.

Il n'est pas comme les autres. D'abord parce qu'il est neuf, et plus personne ne construit aujourd'hui de Piper, cet avion conçu en 1937 dans les usines américaines de Pennsylvanie, produit à tour de bras pendant la Seconde Guerre mondiale parce qu'il servait à tout, et puis vendu à tous les aéro-clubs d'Europe avant de complètement passer de mode : il n'en reste plus que 150 à 200 en France…

30 000 heures de travail

Alors le Piper, depuis des dizaines d'années, tout le monde l'avait oublié, sauf les membres du Piper Club de France, fondé il y a trente ans, et notamment l'un de ses fondateurs, Frédéric Lamouroux, par ailleurs membre de l'aéro-club d'Andernos-les-Bains. Ce vendredi après-midi, c'est lui qui pilote « Miss Clémentine », et c'est bien normal : c'est lui qui l'a construit. Mais pas tout seul : des dizaines et des dizaines d'élèves de six lycées professionnels d'Aquitaine l'ont aidé durant l'année scolaire 2012-2013.

C'était une drôle d'idée peut-être, mais elle a été retenue dans le cadre du Centen'Air 2010, qui a célébré en 2010 les 100 ans de l'aviation à Bordeaux-Mérignac. Le projet était celui-ci : « Construire un avion par et pour les lycéens ». L'association du centenaire, sponsorisé par la section régionale de l'Union des industries des métiers de la métallurgie, a payé les 25 000 euros de pièces et laissé faire Frédéric Lamouroux qui cherchait du sang neuf pour son Piper Club.

Le voilà qui vient d'atterrir. À peine descendu de l'avion, il raconte : « La construction de ‘‘Miss Clémentine'' a nécessité de ma part 25 000 heures de travail et 300 à 400 heures par les lycéens. » Pendant un an, l'avion a été hébergé par le lycée Jehan-Dupérier de Saint-Médard-en-Jalles. « Ce fut un support pédagogique extraordinaire, témoigne Chantal Gauthier-Guénard, proviseur à l'époque, pour les 62 élèves qui ont véritablement œuvré dessus, mais aussi pour toutes les autres classes. »

D'ailleurs, Jonathan Basso, qui était en maintenance aéronautique, même s'il n'a pas touché au Piper pendant sa scolarité, se rappelle avoir pas mal rêvé en le voyant dans son lycée Jean-Taris de Peyrehorade (Landes). « J'ai vu toutes les étapes de l'entôlage. Alors quand j'ai appris qu'il y avait cette cérémonie officielle, je suis venu ! » D'autres lycées ont été sollicités : Charles-Péguy, à Eysines, pour les sièges, Beau-de-Rochas à Bordeaux, pour la peinture, et enfin le lycée de la Mer, à Gujan-Mestras, pour les matériaux composites.

Aujourd'hui, « Miss Clémentine », 12 mètres d'envergure, 6 mètres de long, 400 kilos et des poussières de poids total, avec 90 chevaux sous le capot, orange et non jaune comme la plupart des autres Piper, a déjà volé une centaine d'heures à Andernos. « C'est un avion simple, maniable, robuste, efficace, facile d'entretien, explique Frédéric Lamouroux. D'ailleurs, on l'appelait la Jeep volante. Il est parfait comme avion-école. » Et c'est d'ailleurs à cela qu'il va servir…